Back
Back
Olivier Nicklaus
by Modem – Posted October 26 2012
© Modem

Fashion! 30 ans de mode racontées par leurs créateurs emblématiques avec des images d’archives inédites!


Olivier Nicklaus est le réalistateur de la série documentaire en trois épisodes : "Fashion! Golden Eigties", "Fashion! Anti-Fashion" et "Fashion! Go Global", Coproduite par Arte France, Lalala Productions et l’INA (2012-3X52')

« La mode a des rythmes de variations variables. Si la mode ne changeait pas, il n’y aurait plus de vie. » déclare l’historien Jean Paul Aron en ouverture du premier épisode.

Avec cette enquête le réalisateur nous plonge dans le récit incarné de trois décennies de mode. On y suit le destin de quatre créateurs démiurges et visionnaires des années quatre-vingt, les affres des artistes créateurs minimalistes et radicaux des années quatre-vingt-dix jusqu ‘aux attitudes mercantiles et décomplexées des directeurs artistiques soutenus par les grands groupes de luxe des années 2000.

La mode est cyclique, elle est une scène, un théâtre et une façon de vivre, reflet d’une société, elle prescrit toujours le rite suivant lequel le fétiche qu’est la marchandise demande à être adoré… Golden Eighties, Anti-Fashion et Go Global composent les trois opus de cette saga. Chaque époque rêve la suivante….

Vous avez suivi un parti pris chronologique, pourquoi avoir démarré cette saga avec les années quatre-vingt et pas avec les années soixante par exemple ?

O.N. : « La mode dans les années soixante et soixante-dix a déjà été extrêmement documentée. Il y a par exemple beaucoup de films sur Yves Saint-Laurent, je crois même qu’il y a un film de fiction en préparation actuellement (NDR Jalil Lespert). C ’est un peu l’arbre qui cache la forêt. Je trouvais intéressant de m’attacher à la période entre Yves Saint-Laurent et les créateurs d’aujourd’hui. Je ne suis pas un historien de la mode, je suis juste un réalisateur. Je m’attache à des histoires.
Les années 80 sont des années très libres, riches de fantasmagories et de possibilités. Je les rêvais moi-même de ma province lorsque j’étais adolescent. Le Paris de ces années-là avec le Palace, ses fêtes démentielles et ses personnages fantasques a pour moi une résonance personnelle. C’est un point dé départ émotionnel. L’occasion de raccrocher les wagons et de se projeter dans un temps que je n’ai pas connu. Et puis, c’est une époque très peu documentée, je ne comprends d’ailleurs toujours pas pourquoi personne n’a pas fait quelque chose sur cette décennie de mode auparavant. »

Vous racontez le destin des quatre grands créateurs de mode emblématiques de ces années : Thierry Mugler, Claude Montana, Jean Paul Gaultier et Azzedine Alaïa.

O.N. : « Je trouvais intéressant de partir de quatre grandes figures, de quatre destins exceptionnels. L’histoire de Claude Montana ou de Thierry Mugler est enfouie. Leur vie est finalement très romanesque et a été sous racontée. On sait très peu de choses sur ces personnages qui ont eu une histoire géniale, en termes de création et de succès. Ils étaient l’équivalent de véritables pop stars dans les années 80. Ils faisaient tout ce qu’ils voulaient.

Vous vous êtes fortement appuyé sur des images d’archives, souvent méconnues ou inédites. L’Ina (l’Institut national de l’audiovisuel) est d’ailleurs coproducteur du film.

O.N. :« C’est une des grandes richesses du documentaire. Nous avons eu accès à beaucoup d’images d’archives passionnantes à travers des documents Ina mais également via d’autres sources. Cela nous a permis d’entrer par exemple dans l’intimité de l’atelier d’Azzedine Alaia à l’époque de la rue de Bellechasse, lors d’essayages avec Grace Jones. On le voit sculpter ses robes sur les corps de ses muses. Les défilés spectaculaires de Mugler étaient de véritables shows, il est intéressant de pouvoir en regarder aujourd’hui des passages. Montana était un noctambule qui prenait « les ressources des gens qui dorment ».Tous s’inspiraient de la nuit parisienne et de ses excès. Il y a un gros travail de documentaliste. Ce qui est fascinant c’est de pouvoir créer du romanesque avec du réel. On peut raconter beaucoup d’histoires sans les tourner. »

Pourtant, vous les avez tous rencontrés et interrogés pour la série.

O.N. : « Les rencontrer m’a également donné plus de liberté. Il n’y a pas eu de droit de regard, de BAT avant diffusion. Ils étaient tous sur un pied d’égalité. Cela change le rapport de force. Nous avons pu les filmer comme on voulait et non pas comme eux voulaient être montré. par ailleurs, c’était émouvant de pouvoir s’entretenir aujourd’hui avec eux. Et de recueillir leur témoignage. »

La période anti-fashion s’oppose radicalement à la première.

O.N. : « Les années quatre-vingt-dix voient arriver d’autres types de créateurs. Conceptuels et radicaux, ils se posent la question du statut du créateur. Est-il un artiste ou pas ? Les postures et attitudes ne sont plus les mêmes. Le vêtement souvent conceptuel et minimal raconte d’autres histoires, véhicule de nouvelles valeurs. L’époque est plus sévère, elle est marquée par les guerres, la crise économique, la pandémie du Sida. C’est la fin des années insouciantes et débridées. »

Finalement ces trois décennies campent trois modèles très différents.

O.N. : « Qui correspondent à des époques également très différentes. Aujourd’hui le vocable luxe tend à remplacer celui de mode. Je n’ai pas fait un documentaire à charge, mais c’est vrai que je me suis placé plutôt du point de vue des créateurs que de celui des grands patrons de groupe. Dans Go Gobal, on comprend que le Directeur artistique décomplexé et mercenaire prend la place du créateur de mode. La pression est de plus en plus forte avec la conquête de nouveaux marchés, la rapidité de la transmission de l’information. Nous sommes à l’époque de la globalisation et de la mondialisation. Aujourd’hui les défilés sont quasiment en temps réels sur le net et font ainsi le tour du monde en quelques secondes.
Les boutiques des grandes enseignes de luxe fleurissent dans le monde entier jusque dans les villes chinoises les plus reculées…
Certains créateurs comme Alexander Mc Queen ou John Galliano n’ont pas résisté à la pression. D’autres comme Tom Ford, Marc Jacobs tirent très bien leur épingle de ce nouveau jeu. Démultipliant sa présence publicitaire et commerciale, Karl Lagerfeld quant à lui est devenu une icône populaire. »

Pensez-vous à une suite pour cette série ?
O.N. : « Il pourrait y avoir plusieurs pistes pour continuer. Continuer de tirer le fil et attendre la prochaine décennie. Ou bien s’arrêter sur l’histoire de plusieurs maisons en faisant un parallèle avec l’histoire de leur pays. Les grands empires italiens par exemple sont assez fascinants de ce point de vue.
Je n’ai pas de rapport passionné à la mode, j’ai donc une certaine distance. Le point d’exclamation du titre Fashion ! marque un peu cette distance ironique.
Ce qui m’intéresserait aussi aujourd’hui, c’est d’avoir le point de vue des étudiants. De quel côté se situent-ils ? Comment feront-ils encore de la mode ? De façon artisanale ou au sein de grands groupes ? Dans les bonus du DVD nous avons prévu plus de deux heures de compléments , des archives qui vont de 1965 à 2000, extraites d’émissions comme Diam Dam Dom, du Cercle de Minuit ou de JT. Je souhaite que le dvd soit vu par le plus grand nombre d’étudiants en mode, je crois qu’en effet, il est aussi pour eux. »

Propos recueillis par Cendrine de Susbielle


Fashion ! Episode 3 Go Global, diffusion le 27 octobre sur Arte à 22h25
DVD Fashion !, une série documentaire d’Olivier Nicklaus (Ina Editions)

© Modem