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Rad Hourani
by Modem – Posted July 01 2010
© Modem

Précédé d’un bon écho médiatique, le jeune créateur canadien revient à Paris à la Galerie Joyce après cinq collections présentées à New York pour exposer sa nouvelle ligne « Classic », collection de dix pièces intemporelles de ses deux lignes Rad Hourani et RAD. Hourani, 28 ans, y impose son univers unisexe par un manteau noir qui ne cesse de changer de peau pour prendre des volumes surprenants. Rencontre avec un esthète pragmatique.

Comment avez-vous atterrit dans l’univers de mode ?

Rad Hourani : "Je suis né en Jordanie de père jordanien et de mère syrienne. Enfant, je jouais avec des Barbie et j’habillais mes amies. A l’âge de 16 ans nous sommes partis vivre à Montréal, et j'ai continué à choisir les vêtements pour mes copines pour leurs rendez-vous amoureux. J’ai toujours détesté l’école, alors il n’était pas question de faire des études! A 19 ans j’ai commencé par recruter des mannequins, puis j’étais assistant styliste photo. J’ai toujours eu envie de designer une collection mais je n’avais pas d’idée précise. Enfin, je voulais faire une collection reflétant ma personnalité et ma façon de m’habiller…"

Pourquoi vos collections sont-elles presque exclusivement en noir ?

R.H. : "Je reviens toujours au noir, parce qu’il est moderne, « slick » et il me permet de jouer sur un vêtement unisexe, intemporel. Pour cette collection je voulais des formes droites, androgynes. La notion unisexe est très important pour mon design. Sinon, je choisis à la base des matières que j’aime toujours. Je ne fais pas de collections pour une certaine saison - automne/hiver ou printemps/été – mais je veux qu’on puisse garder les vêtements à long terme. J’appelle mes collections par des chiffres 1, 2, 3 car je ne crois aux saisons, aux tendances, à ce marché et cette pensée-là."

Pourquoi revenez-vous à Paris pour présenter votre ligne masculine ?

R.H. : "Je suis venu en 2005 à Paris et en 2007 j’y ai présenté ma première collection. Quand on m’a invité à présenter à New York je suis parti et puisque ça avait bien fonctionné j’y ai continué. On présente à New York Rad by Rad mais je reviens à Paris avec ma ligne Rad Hourani. Du coup, je fais New York sans arrêt. Ce va et vient est naturel, je ne suis pas nationaliste, et le monde et un pays à plusieurs peuples. Mes collections sont bien accueillis aux Etats-Unis mais à Paris elle marche aussi. Faire cette présentation pendant la semaine de la mode masculine avec la Galerie Joyce faisait sens, car ils étaient là depuis mes débuts et sont restés un client fidèle."

Comment définissez-vous votre style ? Androgyne ?

R.H. : "Dans cette exposition/présentation à la Galerie Joyce je montre les classiques de Rad Hourani sur les femmes pendant la semaine de la mode masculine pour souligner le côté unisexe des vêtements. Chaque pièce peut être porté par des hommes ou des femmes. L’individualité dans la collection s’exprime à partir d’un seul manteau dont j’ai fait dix silhouettes. Les manteaux se transforment en plusieurs façons : en masculin ou en féminin, en sensuel ou en androgyne. Chacun est individuellement libre d’adapter la pièce à sa personnalité et à ses envies. Puisque les classiques se déclinent et se transforment, j’appelle ma collection « Tranclassic »."

Affranchissez-vous des frontières entre les sexes ?

R.H. : "Non, mais en présentant des femmes portant des vêtements dits « masculins» pendant la semaine de l’homme je prend un contrepied. Je ne cherche pas systématiquement les contradictions mais je voulais montrer qu’on ne suit pas la mode féminine ou masculine, je developpe une collection unisexe qui réflète mon univers à moi. C’est aux autres de s’y retrouver et de réagir. Nous pouvons tous être unisexe, il faut juste trouver la bonne forme. Moi, je mis beaucoup de temps avant de trouver la forme parfaite d’un vêtement qui est à la fois masculine et féminine."

Vos manteaux graphiques et zippés évoquent le punk et le rock, on pense à Helmut Lang, Rick Owens. Quelles sont vos influences ?

R.H. : "Je m’inspire de ce que j’aime porter. Bien sûr, la musique joue un rôle important dans ma vie, mais on ne trouve pas une référence particulière dans me vêtements mais certains thèmes reviennent comme le rock, le côté rebelle, gothique moderne. J’aime fusionner tout ce que j’ai vécu dans une seule pièce. Ce n’est seulement rock, gothique ou futuristique mais tout à la fois. J’évite qu’on puisse catégoriser mes vêtements, les dater dans les années 80, 70 ou 60 mais je voudrais qu’on les regarde tels qu’il sont."

Quelle esthétique vous inspire en dehors de la mode ?

R.H. : "J’aime l’architecture et je ne dessine pas des formes mais des lignes architecturales à partir desquels je construis un vêtement. Je crée des vêtements mais je fais aussi de la photo, de la vidéo – car tout est relié ensemble, et je peux me retrouver dans cet univers-là. Ce n’est pas de la mode, de l’art, de la photo mais tout à la fois.}}

Pensez-vous que la nation unisexe va gagner du terrain chez les hommes et les femmes de notre époque ?

R.H. : "Oui, car je trouve trop limité de faire des collections hommes ou femmes, il est important d’avoir une ouverture d’esprit par rapport à l’univers en général. Je ne crois qu’on est né en robe ou en costume d’homme. Je refuse le conditionnement général de la part de la société d’habiller les gens selon les codes mais je prône plutôt un esprit libre, une vrai observation de soi-même. On peut porter un vêtement de mille manières différentes - casual, habillé, décontracté – ce qui m’importe est un style élégant, discret, minimaliste mais très détaillé."

La mode masculine souffre-t-elle de trop de conventions à respecter ?

R.H. : "La femme souffre des mêmes conventions… Je n’ai pas besoin d’être habillé en robe fleurie pour être une femme, ni d’être en costard pour être un homme. Je trouve que c’est à chacun de trouver son désir. Je n’impose pas ma vision, je laisse les gens réagir car le costume devrait refléter la personnalité de celui qui le porte."

Entre Paris, Londres ou New York, où votre vision de l’unisexe s’impose le plus facilement ?

R.H. : "Comme le beau et le laid, le positif et le négatif sont partout, les gens réagissent à mon travail à Paris comme à New York… Je ne suis pas là pour plaire à tout le monde mais ce qu’il compte c’est des gens qui se reconnaissent dans ce que je fais."

« Tranclassic » de Rad Hourani jusqu'au 22 juillet 2010
Galerie Joyce, 168, galerie de Valois, Paris 1er
www.radhourani.com

Marcus Rothe ©modemonline

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