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Mattia Bonetti
by Modem
© Modem

« Tout m’enthousiasme. Après, il y a des choses qui restent plus ou moins, que je sédimente en moi et d’autres qui sont évacuées. C’est une espèce de promenade avec des ramifications multiples. »

Quelle est votre définition des mots « design » et « héritage » ?
Je n’ai jamais pu faire abstraction du passé dans mon travail. Je n’ai jamais cru dans la génération spontanée des formes sauf parfois lorsqu’une nouvelle technologie génère de nouveaux matériaux.
Je pense par exemple à l’ampoule électrique qui a donné naissance à quelque chose de très différent de la bougie ou de la lampe à pétrole.
Je me suis toujours réservé de mélanger les diverses influences, de les rendre plus ou moins visibles.
L’héritage est culturel ; il est fait aussi de choses simples, universelles qui appartiennent à la mémoire et au savoir-faire collectifs.

De qui êtes-vous l’héritier ?
Mes références sont multiples et changent tout le temps. Enfant, j’ai été bercé, auprès de mes parents antiquaires, dans l’univers des formes, des matériaux.
Ma formation artistique en création textile à Lugano puis la pratique en Italie et en France m’ont conduit à multiplier les expériences. Mais j’ai toujours eu affaire avec le dessin, avec la création.
Des gens qui m’ont marqué... Je dois dire que je suis très bon public. Tout m’enthousiasme. Après, il y a des choses qui restent plus ou moins, que je sédimente en moi et d’autres qui sont évacuées. C’est toujours une espèce de promenade avec des ramifications multiples.
Cette diversité, elle est en mouvance, elle n’est pas fixée et déterminée. Elle tient aussi à d’autres cultures. J’aime beaucoup l’Orient, l’Afrique aussi.

Quels sont ceux que vous avez marqués de votre influence ?
La transmission, c’est une question qui me trouble. Je ne sens pas très à l’aise dans l’enseignement, parce que je n’ai pas une théorie très précise et très rangée, très écrite, très définie. Ma démarche est personnelle, elle n’est pas facile d’accès.

Quelles sont vos références, vos sources culturelles, esthétiques et de savoir-faire ?
Dans l’histoire du design, il y a des moments qui sont révélateurs de quelque chose qui est peut-être là depuis quelque temps. Je pense au Bauhaus par exemple. Après, il y a toujours ce « combat » entre les choses vraiment sobres, simples et celles qui sont plus compliquées.
Je ne veux pas utiliser le mot « minimal » et le mot « baroque » car je ne les vois pas comme des choses antagonistes. Pour moi, tout ça peut coexister. Je suis intéressé par le présent et le projet. C’est là qu’il me plaît d’être. C’est cela qui m’intéresse le plus.

Mon travail est marqué par le dessin qui est fédérateur. Mes dessins vont un peu plus loin que simplement l’exécution d’une idée, d’un détail. Ils sont plus illustratifs, suggestifs. Il y a la mise en scène, il y a l’ambiance. Le dessin, c’est quelque chose que j’ai peaufiné avec les années. Au-delà, le modelage et la réalisation de maquettes en taille réduite, me permettent de visualiser le projet, de l’accompagner jusqu’au bout. Je n’ai pas envie qu’on interprète. J’aime aller très loin dans l’expérimentation et exploiter le matériau jusqu’au bout.

Je travaille très souvent en direct avec les commanditaires. Mettre sa propre personnalité au service de quelque chose qu’une autre personne a déjà défini est pour moi plus compliqué, plus difficile mais plus passionnant. J’aime bien travailler dans la non-liberté.

Quel est votre rôle en tant que designer ?
Je ne me sens pas investi d’un rôle particulier. Je n’ai pas de vision messianique. J’essaye de faire le mieux que je peux quand je fais les choses. Au-delà de l’ordre du nécessaire et de l’utile, je crois à l’investissement émotionnel. C’est là aussi sans doute une des raisons du succès de ce design proche de la nature, des formes originelles, de matériaux naturels, proche de l’expression artistique.

Propos recueillis par Sabine Sautter
Haute Définition