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Franck Boclet
by Modem – Posted July 07 2010
© Modem

L’ancien styliste de chez Smalto et d’Ungaro, lance sa propre collection à 49 ans pour devenir le spécialiste du noir et blanc. Ses pièces vont du costume classique, à la veste en cuir rock au sarouel en jersey, et elles se veulent « intemporelles ». Petit détail caractéristique: Franck Boclet a glissé un fil de fer dans l’ourlet des vestes pour permettre aux hommes de jouer avec une silhouette moins stricte. Rendez-vous avec le styliste dans son showroom rue Montaigne.

Pourquoi, après presque vingt ans au service des autres, lancez-vous votre propre griffe ?

Frank Boclet : "J’ai passé 17 ans chez Francesco Smalto et trois ans chez Emanuel Ungaro. Ce n’est pas la crise qui m’a poussé à fonder ma propre marque. Quand j’ai quitté Smalto il y a trois a dont j’étais considéré comme le fils spirituel beaucoup de gens, des fournisseurs, des clients m’ont dit «Pourquoi tu ne crée pas ta propre marque?» J’ai parlé à un fournisseur potentiel et il était d’accord pour me suivre dans l’aventure. Mais puisque j’étais lié a Ungaro par un contrat d’exclusivité on ne me laissait pas lancer ma propre ligne. Après deux ans j’ai dit au revoir car mes fournisseurs et mes partenaires étaient prêts, c’était le bon moment pour se lancer et je suis parti."

Comment avez-vous pu monter votre marque dans cette époque difficile ?

F.B. : "Comme je ne pouvais pas la monter moi-même par mes propres moyens, mes fournisseurs se sont associés pour financer l’histoire «Frank Boclet» et ils m’ont laissé une part minoritaire des actions. Toute la collection sera fabriquée en Italie."

Quelle est votre idée pour vous différencier des autres marques ?

F.B. : "Après 25 ans d’expérience dans l’homme j’ai dit à mes fournisseurs qui sont à la fois mes partenaires industriels et financiers – que je voulais commencer que par le noir et le blanc. Pourquoi? C’est la base de l’élégance et du luxe et se sont mes couleurs préférées. Je voulais que ma collection corresponde à ma garde-robe. Et puis je leur demande d’acheter les tissus en premier pour bien les livrer. Car aujourd’hui le nerf de la guerre est de bien livre les clients. Acheter des tissus en noir et blanc est comme acheter du bon vin : ça ne fait pas tellement peur car même si on n’a pas tout vendu, on peut reprendre les tissus la saison prochaine. Si je prenais du rose ou du vert, je prendrais plus de risques de m’asseoir dessus! En prenant que du noir et blanc on évite le problème du stock de tissu. En plus, dans les magasins multimarque ma collection en noir et blanc est facilement reconnaissable. Mon concept du noir et blanc est à la fois visuel et industriel. Mon but est de devenir le spécialiste du noir et blanc."

Répondez-vous à la frilosité des hommes pour les couleurs ?

F.B. : "Non, mais j’ai regardé mes amis et j’ai remarqué que tous les hommes de 20 à 90 ans ont besoin d’une chemise blanche pour le plaisir ou pour le travail. Souvent, les femmes achètent les chemises blanches à leurs compagnons mais les hommes ne savent pas trop où aller. Si c’est pour le travail, ils achètent les chemises blanches par quatre ou cinq puisque c’est le vêtement qui s’abime le plus vite. La chemise blanche représente 30% du marché de la chemise, est un produit qui n'a pas de saison, sauf pour les tissus. Je me suis dit qu’il leur fallait un lieu où ils peuvent trouver des chemises blanches dans tous les tissus possibles, avec tous les cols qui existent et pour tous les corps. De mes observations est né le concept du noir et blanc."

Vous présentez un univers à la fois chic et détendu où on trouve des vestes taillées avec nombreux ourlets gainés d’un fil de métal qui leur donnent un côté décontracté. Jouez-vous les contrastes ?

F.B. : "Oui, ma collection se partage entre une partie plus créative et une partie plus traditionnelle car ce contraste entre simple et mode me correspond. Je peux m’habiller selon ma humeur du jour. Je n’aime pas les cases et les étiquettes et j’espère qu’on reconnaitra le style Frank Boclet. Un jour je vais être en costard noir et chemise noir, un autre en jeans et en bottes et le surlendemain en manteau en fil de métal et en sarouel. On va se dire «Ce garçon est bizarre, il n’a pas de style… » Mais justement, ne pas avoir un seul style est mon style."

Pensez-vous qu’actuellement l’homme aime sortir du goût classique pour prendre des risques en changeant souvent de style ?

F.B. : "L’homme, quoi qu’en dise, est de plus en plus caméléon – presque autant que la femme. Avant, les hommes partaient en week-end en polo Lacoste bleu, en veste bleu et en pantalon beige. Dans la semaine ils portaient une veste bleu avec une chemise bleu. Et ils gardaient ce look pour toute leur vie. Aujourd’hui on voit de plus en plus d’homme se lâcher. S’ils portent un costume ils le veulent pas trop lâche comme grand-papa mais bien coupée et une chemise plus fantaisie. Mes amis travaillent dans des domaines très différentes - dans un cabinet d’avocats, à la banque, à l’hôpital, dans une entreprise de plomberie ou dans une assurance. Je vais leur vendre aussi bien le costume classique que le sarouel en jersey ou la chemise longue."

La naissance de votre propre marque vous procure-t-elle plus de liberté dans la création ou plus de contraintes ?

F.B. : "C’est moins libérateur que l’on croit. Quand on atteint un certain niveau en tant que directeur artistique d’une grande maison on est assez libre. Aujourd’hui je sens surtout plus de responsabilité puisque je suis également le gérant de la société. Maintenant, je dois être à la fois créateur et business man et assurer le commercial également."

Travaillez-vous avec une structure légère ?

F.B. : "Oui, elle est très légère car c’est une société à zéro personne! C’est grâce à l’accord que j’ai trouvé avec Ungaro pour être licencié. Moi et une ancienne collègue de chez Ungaro qui m’a suivit, nous profitons du chômage pendant un an pour lancer la marque. Et tous les gens que je prends sont sur honoraires ou sur commission. Dans la première année je n’embauche personne. La société Frank Boclet fonctionne pour l’instant avec mes fournisseurs et les freelance – presque comme une pépinière."

Marcus Rothe ©modemonline

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