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Marc Berthier
by Modem
© Modem

« La légèreté, c’est aller vers l’essentiel tout en éloignant l’obsolescence. C’est un des défis permanents du designer. »

Quelle est votre définition des mots « design » et « héritage » ?
Les mots « Design » et « Héritage » sont pour moi intimement liés à ma vie privée et professionnelle. J’ai presque toujours enseigné. Dès mes débuts à l’ENSCI en 1985 et pendant mes quinze années de cours dans cette école, je me suis attaché à défendre l’idée que le design est l’interaction culturelle, artistique, scientifique, technique et économique. Un vaste champ qui permet d’échapper à la définition binaire art et technique. J’ai formé toute une génération de designers qui occupent désormais le devant de la scène.

Aujourd’hui, mes préoccupations personnelles me conduisent, après des années au service de la production de masse, à m’intéresser en priorité à l’élégance. Les développements du numérique ont profondément modifié le métier en dépassant certaines contraintes. On attend du designer une forme de sublimation qui se réfère à l’esthétique. Passionné par le concept de « légèreté », je m’emploie avec l’équipe d’Elium Studio à développer cette notion qui s’exprime en termes de liberté, mobilité, modernité, écologie, économie et technologie.

Mon héritage est d’abord familial. Ma carrière de designer a trouvé ses premiers repères au sein d’une famille qui comptait de fortes personnalités dans le domaine de l’ingénierie avec un sens artistique évident. Je n’ai jamais fait d’études de design.

Mes premières expériences remontent à ma découverte de l’Italie et au stage réalisé sous la direction de Gio Ponti chargé de l’exposition « Domus formes italiennes » pour les Galeries Lafayette où je suis resté ensuite. C’est au sein de cette enseigne que j’ai monté le bureau de design en 1968.

De qui êtes-vous l’héritier ?
J’ai été témoin de beaucoup de choses et croisé de grands créateurs. Le Corbusier, Rietveld ont fait tout avant tout le monde. Les rencontres avec l’éditeur Danese à Milan, Joe Colombo côtoyé à Paris lors de la création de la boutique Design sa, Georges Nelson rencontré aux Etats-Unis m’ont marqué.

Quels sont ceux que vous avez marqués de votre influence ?
J’ai, pendant mes longues années d’enseignement et mes nombreuses conférences auprès d’universités dans le monde, toujours eu envie de partager mes expériences et mes convictions avec les jeunes générations de designers. Pédagogue, je l’ai été. Ma liberté je l’ai gagnée. Le design, comme tout autre discipline, est un travail d’équipe. Je le pratique au quotidien.

Quelles sont vos références, vos sources culturelles, esthétiques et
de savoir-faire ?

Dès les années 60, en préparant diverses expositions, j’ai pu mettre en avant l’influence de l’Italie naturellement cultivée, pratiquant l’architecture, le design industriel et l’artisanat avec la même aisance. En participant à la Maîtrise des Galeries Lafayette, j’ai compris que l’industrie comme la grande distribution ne peuvent rien sans le design.

J’ai créé mon Agence en 1971, participé aux explorations d’alors sur les matières plastiques, les possibilités du gonflage et la faculté de détourner ou de repenser l’outil de production.

Je reste convaincu que le design, c’est la création industrielle. Aujourd’hui, un champ infini s’ouvre à la création par la technique. Tout va incroyablement vite. D’où l’importance de cette idée de légèreté qui n’est pas seulement technique mais aussi apportée par l’intelligence et l’imaginaire.

Quel est votre rôle en tant que designer ?
Le concept de légèreté, que je considère comme une force de transformation, ne se limite pas à l’apesanteur. La miniaturisation - voire la dématérialisation - sont, aujourd’hui, des aspects spectaculaires de l’évolution. La notion d’économie de moyens, de matière ou d’énergie est un aspect aussi fort de la légèreté.
La légèreté, c’est aller vers l’essentiel tout en éloignant l’obsolescence. C’est un des défis permanent du designer.

Propos recueillis par Sabine Sautter
Haute Définition