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Matali Crasset
by Modem – Posted January 03 2010
© Modem

Matali Crasset talks about Moustache

La collection de mobiliers et objets contemporains MOUSTACHE a pour ambition de rassembler une famille de designers en produisant des objets honnêtes et innovants à inscrire de façon durable dans le temps.

- Vous sentez-vous appartenir à une « famille » de designers ?

matali crasset : « Je pense que si j'appartiens à une famille de designers, c'est de celle qui a envie de faire bouger les choses ! Autour de « Moustache » l'idée est de proposer des projets qui nous rassemblent et qui forment une gamme cohérente tout en gardant la spécificité de chacun. Chaque objet a un concept bien précis mais ensemble ils transmettent une image globale. Cette idée du design apporte une richesse et une variété liées à la personnalité desdesigners et offre un choix d'achat et d'usage pour l'utilisateur.»

- En quoi vous reconnaissez-vous ou pas dans les termes « honnêtes,
innovants et durables dans le temps » ?


matali crasset: « Ma démarche est celle de travailler pour les gens. Je ne fais pas un projet pour me faire plaisir ou pour dire « Je », je le fais parce que j'ai une intention à donner à travers l'objet ou à travers l'espace.
Pour les projets développés pour Moustache, l'idée est de proposer des structures qui changent, de ne pas se laisser enfermer par des codes domestiques. Il s'agit d'inventer sa vie au quotidien. La chauffeuse « Instant chair » ou la table « Instant table» sont conçues à partir du tréteau. J'ai détourné les tréteaux afin que l'on puisse les monter et démonter très facilement. Avec la « Xtra-Room », la cabane d'intérieur, je propose de pouvoir créer un espace supplémentaire dans l'espace.
C'est l'idée de flexibilité, de modularité, de fluidité que je revendique dans l'habitat. Elle me paraît assez juste par rapport au manque d'espace ou à notre envie en tant qu'humain de changer notre environnement.
Je propose des scénarii de vie plutôt que des objets conçus autour d'une fonction. »

- Qu'est-ce qui vous conduit à accepter une collaboration avec un éditeur ? A vous enthousiasmer ? Quelles sont vos attentes, vos conditions ?

matali crasset: « Cela fait une dizaine d'années que je réfléchis avec Stéphane Arriubergé et Massimiliano Iorio.
Quand ils ont lancé Moustache, il nous est apparu logique de travailler ensemble. Nous partagions beaucoup de valeurs. Nous avons d'ailleurs beaucoup discuté sur le sens à donner à cette nouvelle entreprise.
Le long terme était important, c'est d'ailleurs comme cela que j'entrevois ma collaboration avec les entreprises : faire un bout de chemin ensemble et trouver de nouvelles façons de travailler, plutôt que de faire des coups de ping-pong .
On ressent le type de relations entre un designer et un éditeur à travers le type de projets proposés qui dépendent souvent d'une collaboration durable.

- Qu'attendez-vous d'un procédé industriel ou artisanal ? Qu'il se plie à votre dessin, votre conception du design, votre démarche ? Qu'il participe à l'élaboration du projet en en modifiant pourquoi pas la forme ou la conception initiale ?

matali crasset : « J'ai toujours une intention au départ et la matière, la forme suivent. Je ne fais pas un objet pour utiliser de nouvelles matières, ce serait un exercice et je n’'ai pas envie de donner des exercices à vivre aux gens.
Je travaille autour de thématiques, elles forment une colonne vertébrale .
Les projets sont une multitude de grains de raisin qui viennent s'’amalgamer autour d’'une même grappe . Mon approche est globale. Je fais en sorte de donner une réponse à l'’éditeur en fonction de son histoire, de ses valeurs et en fonction du contexte de développement des projets que ce soit dans le cadre domestique ou pour des lieux de vie à partager : des scénographies ou des aménagements de lieux publiques par exemple.
J’'aime le contreplaqué parce que c’'est un bois issu de l’intelligence de l'’homme.
Le bois massif bouge car il est une matière vivante.
Avec le contreplaqué, on met une feuille dans un sens, une feuille dans un autre et à chaque fois, c’'est plus léger, plus rigide, plus solide.
Pour la table, les chutes de la découpe du tréteau sont utilisées pour former le plateau et génèrent ainsi le moins de pertes possibles. Je prends les matériaux pour ce qu’ils apportent. Ils doivent servir le projet et l'’intention.

- Quels sont vos terrains de recherche de prédilection? Expérimentation de matériaux ? de formes ? de fonctions ?

matali crasset : « J’'essaie de proposer des structures qui conduisent à d’'autres relations à l’'habitat, à des notions de partage et d’'hospitalité. J’'aime casser les codes domestiques, les codes bourgeois dont nous avons hérités et que nous avons amplifiés jusqu'’à avoir des structures très passives.
Je voudrais redonner envie à chacun d’'imaginer son mobilier en étant actif par rapport à sa structure ».

- Vous inaugurez la collection de mobiliers et objets contemporains MOUSTACHE avec la table «Instant table» et la chauffeuse « Instant seat » . La cabane d’intérieur « Xtra Room ». Pourquoi avoir choisi cette typologie d’'objets dont la fonction sont de s’'attabler, de s'’asseoir, de créer de l’'intimité? Quelles sont vos préoccupations esthétiques ?

matali crasset : « Le choix d'’une chaise et d'’une table s'’est fait de façon inconsciente, j'’ai laissé venir mes envies et j’'ai été agréablement surprise car le détournement du tréteau nous amenait vers des typologies déjà existantes.
C’'est assez nouveau dans mon travail, normalement je crée des typologies qui amènent de nouvelles formes, de nouvelles utilisations. Et là le dispositif nous a donné une forme qui semble faire la synthèse entre le passé et le contemporain.
Le bois donne un caractère domestique. L’'esthétique de « Instant table » est donnée par l’'assemblage des chutes. C’'est cela la surprise, l’'esthétique crée par le dispositif et non un ornement rajouté pour donner une forme à l’'objet.
C’'est un projet contemporain qui tend vers de nouvelles logiques d’'habiter. L'’une pour s'’asseoir et jnstaller une table, l'’autre pour créer une surface, comme une chambre d’'amis improvisée ou un petit bureau temporaire pour s'’isoler.
Il y a plein de "possibles" à imaginer en fonction de qui l'’on est, de qui vit dans la'famille, etc. C'’est du potentiel que je veux donner et non quelque chose de figé.
Mes préoccupations esthétiques découlent de ces parti pris.
Pour la cabane, la couleur s’'associe dans tous les cas avec un gris ardoise . L'’idée de combiner un tissu assez classique et luxueux contraste avec l’'aplat de couleur vive (fushia ou turquoise).
Le piquet du molleton évoque les tuiles extérieures et la couleur de l’'intérieur le capiton.
Un intérieur domestique dans lequel on se sent bien, comme dans un petit cocon. C’'est une structure isolante et qui a aussi des qualités acoustiques. »

- Construction/déconstruction, modularité, fluidité, nouveaux usages sont-elles des notions que vous reconnaîtriez pour qualifier les meubles et objets que vous concevez pour l’'habitat ? Si vous deviez choisir trois mots pour qualifier votre travail, lesquels ?

matali crasset : « Oui, ce sont ces notions qui donnent du sens à la création de nouveaux objets. Parce que sinon ce n’'est pas la peine de faire la énième chaise.
Je reviens un peu sur cette idée d'’objet honnête. Je pars du principe qu’il y a déjà beaucoup d’'objets sur le marché.
Chaque designer doit faire attention à proposer des objets qui non seulement sont en phase avec la vie mais qui apportent aussi quelque chose au quotidien. Nous sommes dans une période ou l'’on va nous demander d’'être un peu plus responsable tout simplement. Il y a eu une dérive ces dernières années avec la production d’objets qui
s’'apparentent à de l’art.
Des objets aux prix faramineux et souvent superficiels. Ils mettent en scène des côtés de l'’homme que je n’aime pas trop, comme son statut, sa richesse. Je préfère proposer d’autres l'ogiques, et m'’intéresser à ce qu’'il y a de meilleur en nous. La transmission est importante.
Si les objets sont pérennes c’'est peut-être beaucoup plus justifié qu'’ils soient flexibles et modulables. Pour répondre à votre dernière question, je choisirai : empathie, activité, modularité. »

- En quoi - à votre avis- la collection MOUSTACHE peut-elle ouvrir de
« nouvelles voies à l’horizon domestique ».


matali crasset: Moustache répond à de nouvelles logiques d'’entreprise, de nouvelles logiques de travail avec les designers et de nouvelles logiques de produits.
Avec l'’idée de produire des objets accessibles, produits en France ou en local. Je pense que c'’estquelque chose que les gens attendent aujourd’hui.

- Qu’elle est la question que vous auriez aimé que je vous pose ?

matali crasset : « Quelle est la prochaine étape? »

- Qu’elle est la prochaine étape ?

matali crasset : « Après la présentation très positive à Milan, arriver à analyser les retours, pouvoir comprendre si les objets sont identifiés dans les proportions auxquelles nous avons pensé. Penser les produits, les continuer peut-être sur des gammes un peu plus larges. Travailler les projets sur le long terme, leur laisser le temps d’'entrer dans les maisons».

Propos recueillis par Cendrine de Susbielle ©modemonline

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