Back
Back
Christian Boltanski
by Modem – Posted January 20 2010
© Modem

Deux expositions événements

Propos de l'artiste recueillis lors du vernissage de Personnes pour Monumenta et d'Après au Mac-Val

"PERSONNES" au GRAND PALAIS

Depuis le sommet de la nef du Grand Palais, une grue armée d’un crochet plonge dans une gigantesque montagne de vêtements qu’elle emporte au hasard avant de les relâcher, métaphore de la «main de Dieu » qui s’empare des vies inéluctablement. Au sol, d’autres vêtements usagés, disposés en petits parterres sont encadrés de quatre haut-parleurs qui diffusent un battement de cœur.

Ces vêtements qui attestent de l’absence du sujet ont valeur de traces fragiles, d’empreintes fantomatiques d’êtres disparus. A l’instar des battements de cœur que Boltanski « collectionne » depuis quatre ans, ils constituent autant d’objets dérisoires contre l’oubli et la disparition, autant d’objets pour retenir,malgré tout, quelque chose de la présence et donc de déjouer la mort.

Au milieu du bruit assourdissant, du froid qui le saisit, le spectateur erre comme dans un immense cimetière et progresse, immergé dans l’espace du Grand Palais qui se confond avec l’espace même de l’œuvre, conçu selon Boltanski comme une « mise à mort ».

Dans cet espace oppressant, inspiré de l’enfer de Dante, le spectateur fait l’expérience de l’anéantissement de la vie. Le thème de la mort, récurrent dans l’œuvre de Boltanski, revêt dans Personnes une dimension particulièrement tragique qui suscite des émotions intenses et des questionnements fondamentaux sur l’existence humaine.


La Grue, le Dieu Aveugle
"Une montagne de vêtements et au-dessus une grue qui les prend et les rejette… Dieu est comme cette méchante grue, il attrape les êtres au hasard, les yeux bandés."











Hasard
"J’ai imaginé que vivre soit comme traverser un champ de mines…de temps en temps quelqu’un saute … Quand je regarde autour de moi je vois que beaucoup d’amis ne sont plus là, je sais que d’autres encore vont disparaitre et ,comme tout le monde, je me demande quand sera mon tour…."









Vêtements
"Pour moi le vêtement représente la personne, la singularité.
Je me suis inspiré des camps des réfugiés qui ont tous, en les regardant de l’extérieur une forme d’ordre qui cache l’horreur de l’intérieur."






"APRES" au MAC/VAL
L'exposition "Après", au Mac-Val, est la suite de "Personnes".«Le Grand Palais c’était l’horreur» nous dit Boltanski, "Ici c’est l’après.” Mais qu’y a-t-il après le désastre? Comment continuer à vivre après la vision de notre mise à mort? Comment peut-on évacuer le souvenir de cette machine sans visage qui peut nous attraper à chaque instant, à chaque coin de rue?

Après, exposition sombre, labyrinthe obscur qui nous invite à l’errance et à la solitude, ne donne pas de réponses. Le drame est fini, l’instant de la mort est devenu enfin « l’instant de ma mort» "Après"raconte un temps incertain, suspendu. Un passage.

Boltanski a construit l’espace de l’œuvre en pensant au deuxième cercle de L’Enfer de Dante où les damnés attendent de traverser le fleuve…

Après? Nous marchons dans les couloirs étroits d’une nuit sans lune. Nous nous arrêtons devant des silhouettes spectrales qui répètent en boucle les mêmes questions. Nous nous laissons caresser par le souffle délicat d’une brise. Nous cherchons la sortie… Et, à la sortie de l’exposition, nous continuons à chercher....

C’est juste ça, "Après". Peut-être un espace-temps religieux parce qu’il re-lie lumière et obscurité, attente et mémoire, vie et mort.


Labyrinthe
"Ici, c’est l’après. On en est dans une sorte de limbe pas très heureux pas très malheureux non plus… On ne sait pas… C’est quelque chose qui est de l’ordre du Neutre… Des petits couloirs noirs, une structure un peu labyrinthique, mais il y a un souffle, un possible… On est dans un univers qui a quelque chose de religieux mais sans qu’il soit lié à rien de précis…"

Fantômes
"Il y a de rencontres avec ces personnages… Ce sont comme des anges du mal… Ils nous parlent et nous posent d’une voix normale des questions terribles:« Et toi ? As-tu beaucoup souffert?» est demandé comme on pourrait demander «Est-ce que tu as bien déjeuné?». L’angoisse vient de cette normalité, de ce ton neutre…"










Errance
"C’est un lieu d’errance. Je me suis inspiré beaucoup de Dante, des cercles de l’ Enfer… Dans le troisième chant on entre dans le vestibule de l’Enfer où les damnés attendent… C’est le cercle de l’errance…"









Monumenta. Du 13 janvier au 21 février 2010
Nef du Grand Palais
Avenue Winston Churchill
75008 Paris

Christian Boltanski, Après. Du 14 janvier au 8 mars 2010
MAC/VAL
Place de la libération
94 404 Vitry-sur-Seine